Le tortillard

Ligne de Motteville à Ouville la rivière par Saâne Saint Just

Après la guerre de 1870, les campagnes manifestent un fort désir de ne pas être laissées à l’écart de l’essor industriel. Après tout, une loi favorisant les créations de lignes secondaires de chemin de fer existe depuis 1865. Même si elle tarde à être appliquée, on ne doute pas qu’elle le sera un jour et la lutte est âpre entre les vallées pour que le train passe près de chez soi, comme en témoigne le registre des délibérations du Conseil Municipal de Saâne-Saint-Just, à la date du
14 novembre 1872. Cette délibération, je vous la livre dans son intégralité :

 

« Monsieur le Maire donne connaissance d’une
pétition signée par les principaux commerçants et industriels de la vallée de la Saâne et des Communes limitrophes, relative au tracé d’un chemin de fer reliant Motteville à Dieppe, tracé qui a été fait parallèle à la Vienne qui n’a aucune importance comme cours d’eau et qui ne desservirait aucunement les intérêts
industriels du pays tandis que ce tracé s’il suivait la vallée de la Saâne qui a une importance réelle comme moteur principal d’usines industrielles, fournirait beaucoup plus de transport et desservirait des sites industriels très importants. Le conseil, considérant que tout intérêt particulier, de même que tout influence ne saurait suffire pour la construction d’un chemin de fer par tel ou tel tracé, que si un chemin d’intérêt local doit relier Dieppe à Motteville, tous les cantons, communes, intéressés seront appelés à faire valoir leurs droits et leurs réclamations afin d’adopter le tracé qui répondra le mieux aux intérêts généraux. Considérant qu’un projet de tracé est à l’étude pour la vallée de la Vienne, le conseil municipal de Saâne-Saint-Just se joint à tous les Conseils des Communes intéressés pour demander qu’un tracé par la vallée de la Saâne qui, à n’en pas douter par la somme de trafic qu’il est appelé à présenter anéantira tus les tracés qui viendraient en concurrence avec lui. Pour ces motifs, le Conseil Municipal appuie de toutes ses forces la pétition. »

Il faut attendre 1880 pour que l’État se donne les moyens d’appliquer la loi de 1865 en s’occupant des superstructures et des acquisitions de terrains, la ligne étant mise en concession. Et il faudra attendre le début du XXème siècle pour que des investisseurs  s’intéressent  à  la concession.

A partir de 1902, ils ont nombreux ces investisseurs  à s’intéresser à la ligne Motteville-Ouville la Rivière puis a renonçer.Finalement la concession est accordée a un ingénieur civil de Paris :Eugène Laborie et la voie est ouverte le 16 mars 1912.

Bien entendu les essais des ponts métalliques ont été jugés conformes. Les propriétaires riverains qui ont reçu des indemnités pour supprimer les toits de chaume situés près de la ligne à cause du danger d’incendie ont rempli leur engagement. Le bâtiment de la gare à Saâne-Saint-Just répond aux normes. Il a 8,50 m x 6 m de surface au sol. On y a accolé un hall d’attente. Le logement du Chef de gare est au premier étage et du côté opposé il y a les lieux d’aisance et, le bûcher. Un réservoir d’eau en tôle, cylindrique, pouvant contenir 4 m3 est installé auprès de la source. Il est posé sur une colonne en fonte dont la base
renferme un petit foyer qui devait être allumé en période de gel            

   A Ouville-la-Rivière un atelier de réparation est équipé pour pallier aux défaillances des 6 locomotives, des fourgons wagons ou voitures pour voyageurs. On prévoit aussi des tarifs allant de 0,10 F à 0,30 F du kilomètre pour des bœufs, vaches chevaux, biches, cerfs,moutons, veaux, porcs… et même les cercueils pourront être transportés pour 0,58 F du kilomètre.

 Les passagers bien vivants, eux, pourront être transportés à 35 km/h maximum pour 0,75 F du km en  1ère classe et pour 0,050 F du km en 2e classe.

Comme on le voit, rien n’a été laissé au hasard, mais le plus important réside peut-être dans le fait que la gare de Motteville est aussi une station d’État sur la ligne Paris-Rouen-Le Havre. Cela signifie que, de Saâne-Saint-Just par exemple, il est possible d’atteindre Rouen, puis Paris et de là n’importe quelle région de France car le réseau en toile d’araignée dont le centre est Paris est particulièrement bien fourni à cette époque

Les marchandises telles que sable venant de la région parisienne, les ardoises
d’Angers, la fonte venant de l’est de la France, les engrais d’Alsace, le charbon du Havre vont être transportées par wagons entiers. Les idées, les échanges vont pénétrer petit à petit la vallée de la Saâne.Cependant, le conflit de 1914-1918 rend l’exploitation difficile. L’armée a mobilisé le personnel et 2 locomotives ne fonctionnent pas. Le combustible manque. De plus, en 1916, deux autres locomotives sont réquisitionnées. La ligne continue malgré tout de fonctionner, mais à la fin des hostilités la situation est peu brillante. Il faut faire des économies et en 1925, la gare de
Saâne-Saint-Just est gérée par une femme, sans doute moins payée qu’un homme. En 1932, le personnel pour
l’ensemble de la ligne passe de 52 à 33 personnes ; malgré cela les déficits s’accumulent. A l’automne 1938, les trains de voyageurs sont totalement supprimés, ceux de marchandises facultatifs.La seconde guerre mondiale scella l’agonie du tortillard. Les convois furent l’objet de mitraillages fréquents.

En 1947, le département préféra favoriser le transport routier et l’exploitation de la ligne cessa le 1er mars de cette même année.

 

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